Je m’approchais lentement de la table, je ne sais pas ce que je ressentais à cet instant, je crois tout simplement que j’étais vide de tout sentiment. Mon cœur s’était arrêté comme une pendule et le souffle avait cessé sa course dans mes poumons. Je marchais lentement et sans bruit vers ma mère comme si elle dormait, mes yeux cherchaient quelque chose dans la pénombre rouge de la cuisine. Le sang couvrait le dos de la robe qui s’apprêtait à partir en France, le poignard au manche doré semblait faire partie d’elle et je ne réalisais pas ce qui se passait. Je retirais le couteau et voyait une rivière pourpre couler comme la vie de ma mère avait coulé hors de son cœur. L’arme avait en son extrémité un sceau en forme de V, le sceau de Vampeta comme s’il avait voulu signer son acte, et faire savoir que personne ne doit jamais lui devoir quelque chose.
Je ne pensais pas à Vampeta, ni à mon père. Je débarrassais la table et fermait les volets dans toute la maison. Je montais à l’étage et fermais toutes sources de lumière comme j’avais pour habitude de le faire chaque soir. J’allais dans ma chambre et ouvrait ma garde robe pour en sortir tout mes vêtements. Il fallait être prêt à partir dans quelques heures, nous devions nous dépêcher à fuir cette maison et prendre le bateau. Je remplissais ma valise de mes affaires, et finissais en y mettant les objets de valeur que j’avais. Je m’apprêtais à sortir de la chambre lorsque je vis un livre posé sur ma table de chevet. Je m’approchais pour en lire la couverture de cuir vieilli, il était écrit « Comptes parallèles ». Ce titre m’était familier, je réfléchissais et me rappelais que c’était le livre que j’avais trouvé dans le bureau de mon père l’autre soir. Je décidais de le prendre, commençant à en penser que j’y trouverais quelques réponses au fil de la lecture. Ma valise fermée, je me dirigeais vers la cuisine pour manger un peu de pain… J’ouvrais la boîte à pain et me saisissais du couteau à pain. Je coupais une tranche épaisse et ressentis un frisson… je regardais derrière moi et me rendais compte que ma mère était assise à la table, morte. Je ne comprenais pas, j’étais terrifié… je regardais le couteau à pain dans ma main, et voyait plein de sang sur la lame comme celui qui avait peint sa funeste toile dans le dos de ma mère. Je l’avais tuée… Puis je revis le couteau tel qu’il était, propre. Je commençais à réaliser ce qui s’était passé, et je compris lorsque je mis la main dans ma poche que c’était un des hommes de Vampeta, ou lui-même qui avait tué ma mère avec un poignard. Mes jambes se sont affaiblies et je suis tombé au sol… et j’ai pleuré… Puis j’ai repris mes esprits, je ne savais pas combien de temps cela m’a pris, mais la nuit était tombée depuis un moment déjà. Je me dirigeais vers l’horloge, les yeux encore rouges de douleur. Les aiguilles indiquaient que je n’avais plus qu’une demi heure pour me rendre derrière le Palacio Vasco de Gama alors je pris ma valise et partit en courant, sans me retourner. Je courais si vite que l’air me brûlait les poumons mais rester ici c’était mourir alors je ne prêtais aucune attention à la douleur. J’arrivais enfin dans la ruelle du Palacio, là où se trouve la sortie du personnel de cuisine. Dans le noir, je distinguais un trait de lumière jaune sous la porte, et de la fumée en sortait pour diffuser dans l’air une odeur de festin. Des tonneaux fendus et brisés étaient entassés dans les coins de l’impasse et l’eau ruisselait des gouttières rouillées goutte après goutte jusque sur le sol pavé. Je tentais de rester parmi les ombres sans m’en dissocier et attendais Alexandre. C’est à ce moment qu’il arriva. J’allais vers lui mais il fit mine de ne pas me voir, il jeta une enveloppe par terre dans la ruelle où je me trouvais et continua sa marche plus loin de moi. Je vis ensuite deux gardes de la Milice courir dans la direction qu’avait prise Alexandre, ils en avaient sûrement après lui. Je ramassais l’enveloppe et l’ouvrit, il y avait une lettre signée par lui, et deux billets pour la France. Le bateau partait dans peu de temps et je courus vers le quai. Je montrais mon billet au contrôleur et m’apprêtais à monter à bord lorsque je vis la Milice arriver vers le quai. Ils étaient à la poursuite de quelqu’un mais ne le trouvaient pas, il venait vers le pont d’embarquement et j’avais très peur qu’il ne découvre que mon billet était celui qu’Alexandre m’avait illégalement procuré. Ils approchaient vers moi, et un homme me pris le bras. Il pris mon deuxième billet et le présenta au contrôleur. Il m’attira dans le bateau et nous amena dans une petite pièce. Je regardais cet homme avec trop de peur pour apercevoir clairement son visage. Sur la serviette blanche qui dépassait de sa veste était brodé le nom « Mercutio ».
Commentaires :
Ceci dit, j'attends avec impatience la suite de tes écrits... J'aimerais apprendre à te connaitre mieux. Pour le moment, je n'ai qu'un aperçu de la tragédie qui marqua le début de ta vie et qui t'a peut être amené à trouver des échappatoires destructrices? Je ne sais et je resterai la lectrice discrete de tes ecrits en attendant de te connaitre mieux.
Une voisine de blog... Phérine
Messire Ezekiel Rosario,
C’est avec grand attention, que mes yeux captivés dans l’obscurité de ma retraite se sont vus relire mot après mot, émotion après émotion les pas que vous avez suivi depuis l’endroit que nous décrivent vos premiers mots jusqu’à ceux qui nous amènent à l’endroit où vous vous trouvez au terme de votre récit. Si j’ai grand intérêt de lire vos mésaventures, et le diable sait qu’il vous en fait subir, j’en aurais néanmoins encore davantage à vous voir décrire ici les sentiments, les réflexions qu’un être tel que vous a pu mener face à des circonstances dans lesquelles bien des représentants de l’espèce humaine aurait rendu les armes pour s’abîmer dans les affres de la souffrance. J’aimerais saisir votre perception des choses, ces subtils mécanismes de vos pensées qui amènent les actes que vous nous décrivez avec force détails.
Je tremble presque à l’idée de vous froisser en vous faisant ces quelques remarques ; l’idée que vous puissiez, être dont je n’espérais constater l’existence au cours de la mienne, vous soustraire à mon attentive lecture, m’amène à n’oser prétendre à quelque suggestion que ce soit ; or il se trouve que ma curiosité est insatiable, que votre plume est agréable et que votre sensibilité subtilement attentive à votre environnement, aussi me permettrais-je de vous suggérer de substituer au style narratif davantage le style réflexif afin que nous puissions davantage voir ici les confessions d’un authentique seigneur des ténèbres. Ce serait inestimable présent pour nos yeux que de leur voir offert l’intimité d’un vampire. J’aurais entre autres goûté des réflexions quant à vos perceptions du monde qui vous entoure, de vos sentiments peut-être aimants ou haïssants à l’égard de ceux que vous côtoyez , des considérations sociales ou religieuses … peut-être devriez-vous répartir vos écrits en différentes « rubriques » qui recouvreraient alternativement tel ou tel aspect de votre vie : les pensées, les œuvres, les actes, les souvenirs …
Tout ceci pour vous dire que j’aimerais vous connaître mieux à travers ces inestimables écrits que vous nous offrez …
Mes Respects Messire
Songe
Réponse à mon ami Songe...
Bonjour ami, j'ai lu avec attention votre commentaire et je dissipe ici toutes vos craintes envers votre requête de "changement" dans ma façon de vous écrire à tous. La première certitude en ce qui me concerne, c'est que je suis perfectible comme tout à chacun et vos idées sont pour certaines, la plupart même, très recevables...
J'ai pris note du fait que vous vouliez me voir pousser mes reflexions plus en profondeur que je ne fîs jusqu'alors. Je ne peux évidemment pas changer ma façon d'écrire le journal, mais je vous ai volé l'idée de créer d'autres "rubriques" couvrant d'autres aspects du récit. Ainsi j'ajouterais parallèlement à mes écrits des notes de "réflexions" que j'ai pu mener ou mène encore...
D'autre part, vous y trouverez tout les "mécanismes" dont vous parliez, ces "rouages" qui ont conduit la machine de mon esprit à suivre une route que beaucoup d'autres n'auraient suivi. Il est évident que le monde fut bien rude parfois et qu'une conception nouvelle des choses m'empêcha de couler dans les abîmes de la folie... D'ailleurs qu'est-ce que la folie...? ... un des nombreux sujet qui me tient particulièrement à coeur...
J'espère avoir répondu à vos doutes, ami. Dans l'attente de votre réponse, pour rendre meilleur encore l'espace que nous partageons.
Ezekiel Rosario.
QasU
Avis perso