Je dormis profondément. Seul un rayon de soleil ayant outrepassé la vigilance des rideaux de mon compartiment parvint à me sortir de mon lourd et bienvenu sommeil. Je m’assis dans le fauteuil de cuir rouge, et regardais avec des yeux encore endormis le paysage naître d’un côté de la vitre et mourir de l’autre. Rien de passionnant jusque là, quelques nuages encore rouge d’une aube juste passée, le soleil clair me montrais également quelques îles qui semblait habitées par quelques fermiers, nous approchions de la côte portugaise. Je détournais mon regard de dehors et aperçu qu’une boîte blanche entourée de ruban en soie bleue était posée sur la table de mon repas d’hier. Cela ne pouvait être que Mercutio. Ce qui m’inquiéta en premier lieu fut le fait que le ruban était déjà coupé, mais je me dis avec l’impatience et la curiosité d’un enfant que Mercutio avait dû ouvrir la boîte pour vérifier que son contenu était bien ce qu’il avait demandé qu’on pose dedans. Je soulevais le couvercle et restais la bouche ouverte d’étonnement. C’était un costume. Une magnifique veste en satin bleu nuit et un pantalon beige mi-long de la coupe la plus élégante qu’il m’ait été donné de voir dans ma jeune vie. Ce genre de confection coûte une véritable fortune, comment cette boîte pouvait être destinée à un jeune fugitif comme moi… ? La question ne me harcela pas plus longtemps, je vis une note apposée sur le couvercle du paquet, elle disait ceci :
« Cher Rogerio, te voilà habillé… Viens donc me dire ce que tu penses de ton élégance… Je suis au salon de restauration des premières classes. Je t’attends. Signé : Cristano. »
Mercutio continuait notre valse identitaire comme je m’en doutais jusqu’alors. Il avait d’ailleurs toutes les raisons de le faire s’il voulait toujours être hébergé par Mr Van Heyde dans son pied-à-terre à Paris. Je passais de l’eau sur mon visage pour lui redonner un peu de fraîcheur perdue la veille, puis j’enfilais ce magnifique costume. Il me donnait des airs d’homme du monde. Un de ces riches hommes qui ont tout le temps de discuter des choses de la vie et voyagent par la pensée avec les innombrables souvenirs qu’ils ont conservés de chaque endroit visité. Je sortais du compartiment et me dirigeais vers le salon de restauration. Lorsque j’entrais, ce n’était plus les regards de la veille qui se posèrent sur moi, mais des regards mêlés d’envie, de respect et de curiosité bridée par la bienséance. Mercutio m’aperçus et me fis signe de venir à sa table. La nappe blanche ne supportait que le poids d’une assiette remplie par un plat typiquement portugais. Je m’asseyais en face de mon compagnon de route, et il commanda pour moi un café et du pain chaud avec une boîte de petits chocolats suisse. Je mangeais sucré, comme tout les matins. Mais Mercutio se délectait d’autre chose. Pas de sucre… pas de miel… pas de lait parmi ses couverts. Non. Il tranchait délicatement une pièce de viande sanguinolente baignant dans une sauce moutarde à la coriandre, et une lampée de Porto rouge. Ce qui m’intriguais c’est qu’en regardant son assiette, je vis avec quel soin inexplicable il avait séparé la pièce de viande de son lit de sauce, et des pommes de terres qui l’entouraient. Il semblait trouver grand plaisir à déguster cette viande mais laissait de côté le reste.
« - Vous n’aimez pas les pommes de terre ? lui demandais-je naïvement.
- C’est juste que je n’ai aucune envie de les manger, elles sont trop sèches… et puis cette sauce est bien trop grasse à mon goût. Crois moi cette viande tendre est la seule chose à valoir le détour dans mon assiette…
- Ah… oui vous avez sans doute raison. Vous semblez avoir des goûts de gastronomes Mercutio. Mais dites moi, je ne suis pas là pour parler de la cuisine vous vous en doutez. Vous m’avez promis des réponses, et je les voudrais maintenant…
- Et bien… qu’attends tu… ? demandes moi…
- …pardon… ?
- Je t’ai promis des réponses, mais la réponse est toujours l’enfant de la question. Alors… ?
Commentaires :
Re:
Je me reprend, je parlais naturellement du 17ème ... j'en profite, après poursuite de mes lectures, pour vous suggérer d'évoquer davantage le contexte de l'époque dans vos descriptions afin que l'imagination puisse s'acquiter du complément et donner une image vivante et réaliste du récit ...
Bien à vous
Songe
Re: Re:
Pour ce qui est de l'époque, il s'agit bien de la fin du 18ème siècle peu avant la révolution française... Tes remarques sur mon "anachronisme" chronique sont justifiées... j'avoue mes lacunes en histoires, qui s'ajoute à de petites maladresses inévitables dans la rédaction d'un débutant tel que je le suis... J'espère juste que les autres lecteurs n'auront pas la même vigilance et passeront outre ces détails de modes ou de billets maritimes...
En tout cas c'était fort bien vu. Je me rattrappe par la suite, promis.
Re: Re: Re:
Je vous prie de pardonner mon perfectionisme maniaque qui me fait déceler le détail là où le fonfd prime et sait certainement faire oublier au lecteur les quelques petites choses relevées ici ...
Songe
Messire Ezekiel,
J'interromps une nouvelle fois ma lecture pour vous faire part de mon étonnement quand à certains détails de votre récit qui m'ont amené à douter de l'époque à laquelle vous dites se situer votre récit. Il s'agit bien du 15ème siècle si je ne m'abuse ? Auquel cas les costumes en queue de pie, les premières classes, billets maritimes et les valeurs pécuniaires me semblent, vueillez me pardonner la remarque, issues de vos souvenirs plus récents ...
En espérant ne point vous avoir froissé ...
Bien à vous
Songe