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Mercutio me fit entrer dans le salon des voyageurs de première classe alors que j’avais un billet de deuxième classe, tout comme lui. Je le regardais en faisant signe de ne pas comprendre et il s’en aperçu de suite. Je ne sais encore rien de lui mais ce que je sais, c’est qu’il a un sens aiguisé pour ressentir l’humeur des gens qu’il croise. Il a  cette faculté à différencier un homme confiant d’un menteur bon comédien. Et il savait fort bien que j’étais plutôt le deuxième homme que le premier. Il me fit signe de m’avancer dans la pièce, les murs couverts de tapisseries vieillies mais luxueuses me rappelaient la maison que je venait de quitter. Mes parents et moi vivions dans une maison luxueuse, héritée de générations déjà mortes depuis longtemps. Tout était vieux et suggérait le temps qui passe. On pouvait lire l’âge des choses rien qu’en les regardant. Et le salon où je me trouvais était emprunt de la même saveur, de la même nostalgie, du même vécu. Etais-ce là encore un autre tour habile que me jouais Mercutio ? Je ne l’ai jamais su en fait. Il nous fit asseoir à une table pour dix personnes autour de laquelle discutaient déjà huit personnes. Tous semblaient riches et haut placés, on le voyait à leurs vêtements fait de coûteuses étoffes, et on l’entendait à leur élocution. Mercutio pris discrètement une fourchette, et fit tinter le bord d’un verre pour attirer les regards des convives. La discussion s’évanouit, et les yeux se tournèrent vers nous.

 

« - Messieurs, je lève un verre à vos réussites … Quelle belle nuit étoilée trône ce soir dans le ciel… cette pluie d’argent masque presque la lune qui les accueille tout comme la fière constellation  de votre œuvre fait presque oublier l’astre brillant que vous êtes… Ce soir, mon associé et moi vous souhaitons toute la réussite que vous avez habitude à côtoyer…

   - Et bien mon bon monsieur, je vous remercie de tant d’égards. Avons-nous eu le plaisir d’être présenté… ?   demanda tout flatté qu’il était, l’homme qui parlait avant l’interruption de Mercutio.

   - Je ne vous tiendrais pas rigueur d’avoir oublié monsieur. Je suis Cristano DeFiero, et je vous présente à nouveau mon associé, Rogerio Lamiano. Nous sommes des armateurs italiens. Nous dirigeons trois bateaux sur quatre qui quittent les ports de Rome, ou y entrent. Et croyez moi, cela représente beaucoup de bateaux… »

 

Je ne savais pas quoi penser du petit jeu de Mercutio. Il venait de dire assez de mensonges pour que cela n’en paraisse plus un. Les riches notables attablés devant nous furent aveuglés par la flatterie que nous leur offrions. Je décidais de jouer le jeu de mon compagnon de voyage, pour ne pas le mettre dans une situation qu’il ne désirait pas voir naître.

 

« - Mon associé est parfois trop bavard, mais cette fois il ne l’est pas assez… Il a oublié de   dire combien l’élégance de vos tenues témoignait de votre goût très fin…   dis-je avec un ton bourgeois qui était de rigueur entre ces murs.

   - Cessez donc Monsieur l’Armateur. Vous n’avez pas à nous envier je crois… Rome est une ville phare très commerciale, et en contrôler les ports revient à contrôler la destinée de cette ville sublime et historique. Asseyez vous donc, et racontez moi plutôt comment vont vos affaires en ce moment…

   - Et bien pour tout vous dire, je ne sais plus bien différencier mes enfants de mes employés !   déclarais-je avec un humour de riche.

   - Oh… comme je vous comprends monsieur Lamiano…  répondit un autre homme de la table.

   - Je vous en prie messieurs, appelez moi Rogerio… lançais-je pour m’intégrer plus facilement.

   - Bien, le repas est terminé alors je propose d’aller au Brandy. J’ai d’excellents cigares argentins pour vous tous, y compris pour nos deux armateurs. Venez tous mes amis… »
Ecrit par Kentin Newborn, le Vendredi 2 Janvier 2004, 15:57 dans la rubrique Journal d'Ezekiel Rosario.