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A mon réveil, je vis par mon hublot que le soleil avait déjà cédé sa place à la lune. Mais j’éprouvais une sensation étrange et menaçante. La lune que j’avais l’habitude de voir argentée était ici jaune, comme teintée de sang. Cela devait sûrement être un effet causé par le ciel couvert de la mer mais je continuais à me sentir mal. Je décidais de sortir sur le pont prendre un peu l’air frais. En sortant du compartiment des voyageurs, je levais les yeux vers le ciel encore décoré de cette lune inquiétante. Je m’appuyais contre les barrières métalliques blanches fortement rouillées par le temps passé en compagnie de l’océan Atlantique. Mes yeux se perdirent alors dans l’eau, je contemplais le sillon que l’avant du bateau labourait sur les flots peu agités de cette nuit glaciale. Je repensais à ces jours passés. Tout avait été beaucoup trop vite, je n’avais pas eu le temps d’affronter, pas le temps de comprendre ce qui s’était passé. Et j’essayais d’y penser, de me confronter à cette réalité qu’était devenue ma vie. Mais les images ne se fixaient pas dans mon esprit, comme si mon inconscient refusait de déterrer ces pensées fraîchement ensevelies. J’essayais encore de me rappeler mais rien n’y faisait, la blessure était encore trop sanglante pour être soignée, où même observée. Je décidais de regarder les étoiles et de me perdre dedans pour faire passer un peu le temps sans goût que je traversais à ce moment.

 

« - Elles sont magnifiques n’est-ce pas.. ?  demanda monsieur Mercutio.

   - Ca oui elle le sont…   dites moi, pourquoi recherchez vous ma compagnie monsieur Mercutio… ?

   - Pour ce qu’elle a de plus simple mon garçon… je suis lassé d’être seul alors je te parle… c’est aussi simple que ça.

   - Pourquoi moi en particulier… ?  Croyez moi il y a de nombreuses personnes qui offrent bien meilleure compagnie que moi sur ce bateau…

   - Tu me semblais moins banal que les autres voilà tout.

   - Vous mentez…!   Vous saviez que j’avais un deuxième billet alors qu’il était dans ma poche… Comment expliquez vous cela… ?

   - Je l’ai vu, je l’ai pris. Qu’espérais tu… ?  tu me crois magicien… ?

   - Je vous crois surtout menteur monsieur… et voleur.

   - Cela m’attriste beaucoup de voir le portrait que tu peints de moi… Cependant j’admire ton instinct. Peu de gens l’écoutent encore, trop préoccupés par les habitudes et devoirs qui les bornent à une existence plate et dirigée. Ces gens là finissent tous au même endroit, et je ne te le recommande pas.

   - Vous ne m’apprenez rien monsieur le philosophe de bas étage…

   - Alors laisse moi t’apprendre quelquechose… Je suis de la famille de Guardiola…

   - Vous voulez parlez de Vampeta… ?!

   - Lui-même mon garçon…   si nous allions prendre un verre à l’intérieur… ?

 

Je ne savais plus quoi penser… Cet homme que je voulais éviter semblait être aussi le seul lien qu’il me restait avec l’horreur du Brésil. Je ne pouvais pas le laisser partir sans écouter ce qu’il avait à me dire. Et puis, comment savait-il que je frémirais en entendant le nom de Guardiola ? Cette histoire était trop étrange pour être innocente, et il restait tant de zones d’ombres, tant de questions auxquelles je ne trouvais aucune réponse. Je devais savoir, je devais comprendre et cet homme pouvait m’aider d’une certaine façon, j’en étais maintenant convaincu…

Ecrit par Kentin Newborn, le Vendredi 2 Janvier 2004, 15:57 dans la rubrique Journal d'Ezekiel Rosario.