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« - Je vous dois une fière chandelle jeune homme…   me dit-il en me tendant la main.

- Que… qui êtes vous… ?

- Moi… ?   Oh… On a pour habitude de me nommer Mercutio…

- Vous n’avez pas de nom Monsieur… Mercutio… ?

- Cela fait trop longtemps qu’il n’a été prononcé… Mercutio me définit beaucoup mieux…

- Vous me semblez bien être un voleur Mr Mercutio…

- Oh… mais ce n’est pas les billets de transport que je collectionne… »

 

Il disparu dans l’encadrement de la porte, il devait être fâché de la remarque que je lui avais lancé au visage… Ce genre d’individu est courrant ici au Brésil, les fortunes se créent dans les salons, les marchés, et les poches des voyageurs imprudents… Pour ma part, je n’avais que peu d’argent, et il avait eu la délicatesse de tout me laisser sans tenter de le prendre. Je me dirigeais vers ma cabine et m’asseyais après avoir pris soin de fermer la porte.

Le personnel du bateau commençait à s’agiter, le navire avait commencé son parcours vers l’Europe et les voyageurs pouvaient laisser retomber la tension d’un départ. Un homme vêtu d’un costume noir et d’une chemise blanche me proposa d’acheter de quoi manger et boire, et je décidais de prendre une assiette et une bouteille de Porto rouge. Une fois l’argent remis dans la main de l’homme, je me jetais sur l’assiette comme si je n’avais pas mangé depuis trois jours. Je débouchais la bouteille et ne pris pas la peine de remplir le verre, je ne voulais pas éteindre une soif, je voulais boire… Le liquide rouge produisait sur ma langue le même effet que de l’eau, le goût s’était substitué à l’effet et ma tête était prête à exploser alors que je continuais de boire. Même au moment où j’écris tout cela, je ne sais pas encore exprimer les sentiments que je ressentais, ou plutôt, j’étais incapable de les identifier clairement. La trahison de mon père, l’assassinat de ma mère, ma vie était tombée dans les égouts en l’espace de deux nuits. Comment pouvais-je gérer ce flot de chaos dans ma tête, je devais accepter l’inacceptable. Alors sans but, j’ai continué à boire jusqu’à ce que la bouteille soit encore plus vide que mes pensées. Et là, le plafond du train a tourné, il a tourné encore et encore et m’a attiré vers lui. Ce plafond avait des allures de trou noir infini, dans lequel je tombais sans fin, ne trouvant aucun repère sur lequel m’appuyer. Tout bougeais et tournoyais autour de moi, puis ce fut le noir complet.

Lorsque je me réveillais, je m’aperçus que le plateau de mon repas avait été fini par quelqu’un d’autre. A côté de l’assiette était posée une serviette blanche.

 

« - Tu devrais peut-être t’essuyer mon garçon, cette sauce fait mauvais effet sur ton visage.

- Oh… euh… oui vous avez raison… répondis-je en prenant la serviette.

- Quel est votre problème jeune homme… ?

- Quoi… ?!  m’étonnais-je…     Je n’ai pas de problèmes…

- Un homme qui n’as pas de problèmes ne vide pas une bouteille de si bon Porto en une nuit, il la déguste durant plusieurs repas…

- Cela ne vous regarde pas monsieur !   lui dis-je pour fuir la question.

- Tu dois avoir tes raisons, je n’insiste pas.   dit-il avec un rire moqueur.

- J’aimerais rester seul monsieur, si cela ne vous dérange pas…

- Je me retire… je reviendrais te voir plus tard dans la journée… »

 

Je ne voulais plus le voir, et j’étais en même temps très curieux de savoir pourquoi il se donnait la peine de venir me voir. Je devais me faire des idées, ce Mercutio voulait juste être reconnaissant de celui qui lui avait permis de monter à bord. C’est ce que j’aurais fait si Alexandre était dans ce bateau. Je décidais de dormir un peu, je n’étais pas fatigué, juste las de penser. Je m’allongeais sur la banquette en cuir rouge foncé et tentais de trouver le sommeil…

Ecrit par Kentin Newborn, le Vendredi 2 Janvier 2004, 15:55 dans la rubrique Journal d'Ezekiel Rosario.
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